Interventionnisme américain en Iran : un motif de friction dans le clan de Donald Trump ?
« Vous ne connaissez pas le nombre d’habitants d’un pays que vous cherchez à renverser ? », Tucker Carlson, ancien animateur de Fox News, face au sénateur républicain Ted Cruz. L’attaque américaine en Iran, lancée le 22 juin dernier a suscité une vive controverse parmi les partisans de Donald Trump. Cette divergence marque une division au sein même d’un parti jusqu’alors unifié autour de la figure de Donald Trump. Désormais, deux profils se distinguent. D’un côté, les soutiens de la doctrine « America First ». De l’autre, les fidèles au Président.
Donald Trump, le « Daddy » diplomatique

Le 22 juin dernier, Donald Trump a autorisé le largage de 14 bombes GBU-57 sur trois sites nucléaires iraniens. Cette attaque fut saluée par une partie de ses électeurs, jugée nécessaire et efficace. Ce fut le cas notamment pour le Président de la Chambre des représentants, Mike Johnson qui, en plus de son soutien, a d’ailleurs affirmé que Donald Trump agissait en respect total de l’article 1er de la Constitution.
D’autres personnalités ont souligné l’acte « héroïque » de Donald Trump au sein de son clan. Le sénateur républicain Ted Cruz, par exemple, lors de son interview avec Tucker Carlson, célèbre animateur de télévision anciennement chez Fox News, justifiait l’attaque comme un acte de « sécurité nationale ». « Je veux arrêter un fou furieux, qui veut nous assassiner, d’obtenir des armes nucléaires qui pourraient tuer des millions d’Américains. » déclarait-il au micro de Tucker Carlson. Toutefois, dans son plaidoyer pour la sécurité du pays, les propos de Cruz ont surtout été perçus comme une flatterie maladroite envers le président américain. Son manque de maîtrise du dossier iranien a été largement critiqué sur les réseaux, ternissant considérablement son image et ses engagements politiques.
Au-delà du cercle rapproché de Donald Trump, plusieurs alliés internationaux ont également exprimé leur soutien – sans doute davantage par intérêt stratégique que par réelle conviction. Mark Rutte, Secrétaire général de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), a par exemple, dans un élan purement individuel, surnommé Donald Trump de « Daddy » lors d’une analogie du Président américain, comparant le conflit entre Israël et l’Iran à une dispute d’enfants. Cette volonté de flatter le président, au mépris des conséquences et indépendamment des décisions des pays membres de l’OTAN, révèle un soutien à un homme plus qu’à une doctrine.
Une attaque largement controversée
De nombreux électeurs ont dénoncé cet interventionnisme américain qui s’est déclenché sans aucune consultation du Congrès. De là, l’électorat de Donald Trump s’est ainsi scindé en deux clans. On retrouve d’un côté, ceux qui soutiennent systématiquement les décisions du Président, considéré comme un réel sauveur des États-Unis. De l’autre, les partisans de la doctrine « America First », opposés à toute implication militaire extérieure. Les guerres d’Irak et d’Afghanistan marquent encore beaucoup les esprits des Américains. Ils souhaitent ainsi éviter aujourd’hui toute nouvelle intervention à l’étranger.
Parmi les personnes réticentes à l’interventionnisme, nous retrouvons le Vice-Président, J.D Vance. Ancien marine ayant servi en Irak, il s’était prononcé en coulisses quelques jours avant l’attaque, comme étant plutôt hostile à une intervention en Iran. Mais en tant qu’allié principal du président, son rôle était surtout de rassurer l’opinion pour préserver l’électorat trumpiste. C’est ainsi que dans une interview de l’émission Meet the Press sur NBC, il exprimait discrètement ses réserves. « Nous ne sommes pas en guerre contre l’Iran, mais contre son programme nucléaire », a-t-il déclaré, dans une tentative d’apaiser les critiques. Autre exemple de discorde d’opinion, la représentante de Géorgie, Marjorie Taylor mentionnait sur X que « quiconque souhaite (…) que les États-Unis s’impliquent pleinement dans le conflit entre Israël et l’Iran n’est pas un partisan de l’America First ». Un commentaire qui reflète pleinement l’état d’esprit de l’électorat isolationniste actuel.
Le soutien de « l’America First » avant celui de Donald Trump
En lançant l’attaque en Iran sans consultation du Congrès ni autorisation du Conseil de sécurité des Nations Unies, Donald Trump a-t-il décrédibilisé sa politique « Make America Great Again » ? Selon lui, aucunement. Il affirmait lors d’une interview accordée à The Atlantic: « C’est moi qui ai développé le slogan « America First » (…) c’est à moi d’en décider (…) on ne peut pas avoir la paix si l’Iran possède une arme nucléaire ». Pourtant, cette intervention contredit les principes fondamentaux qu’il défend depuis son arrivée au pouvoir : réduire les engagements militaires des États-Unis à l’étranger et recentrer la politique américaine sur les intérêts intérieurs. C’est notamment grâce à cette ligne plus isolationniste qu’il avait réussi à rallier une large base électorale en 2024.
Cette attaque arrive dans un climat déjà instable. En effet, ses soutiens politiques étaient déjà fragilisés depuis son arrivée à la Maison-Blanche. La stagnation du pouvoir d’achat, la signature précipitée de nombreux décrets et sa rupture avec Elon Musk ont accentué les divisions parmi ses partisans. L’intervention militaire a donc été perçue pour beaucoup de ses soutiens, comme une limite franchie, un point de non-retour.
Vers une division des trumpistes ?
Aujourd’hui, Elon Musk, l’homme le plus riche du monde, lance son propre parti politique « Le parti de l’Amérique ». Cette initiative repose sur l’idée selon laquelle les véritables intérêts des citoyens américains résident dans une politique isolationniste. « Make America Great Again » grâce à « l’America First ».
La fracture grandissante au sein du camp Trump a un impact considérable sur la démocratie américaine. Ces partisans les plus fidèles appelés les « Bros » soutiennent désormais un homme plus qu’une politique. Avec ce fonctionnement, nous orientons-nous ainsi vers un culte de la personnalité de Donald Trump ?